Intimate Mythologies est un travail en cours d’élaboration.
Peut-être un jour ces fragments romanesques formeront-ils un tout cohérent. Une progression dramatique existe bien, mais chaque chapitre peut être lu isolément. Les chapitres peuvent aussi être lus selon un ordre thématique, ou, simplement, au hasard.
De nouveaux chapitres et de nouvelles illustrations paraissent (plus ou moins) régulièrement.
Les Atermoiements de Charlotte Minkowski,
une petite nana qui n’existe pas…
De son personnage si connu, Gustave Flaubert n’a sans doute jamais dit : « Madame Bovary, c’est moi. » Ce qui est certain, c’est qu’il ne l’a jamais écrit. Or, si tant est que l’on se préoccupe de telles questions, on assume spontanément que la relation entre un écrivain et ses personnages doit bien quand même se dérouler sur le mode d’une identification plus ou moins intense. Flaubert a pourtant beaucoup insisté sur le fait que, pour lui, c’était tout le contraire : pour que puisse se déployer l’artifice du roman, cette relation devait plutôt relever d’un froid détachement. Il ne voulait pas que ses personnages soient plus que des outils, des fonctions narratives qui auraient pour unique vocation d’accomplir le travail mimétique indispensable afin de susciter l’adhésion du lecteur à l’illusion romanesque.
Mais j’ai quand même envie de dire : « Charlotte Minkowski, c’est moi. » Les éclats de vie imaginaire que je livre ici, et auxquels elle a bien voulu prêter sa voix, ont, bien sûr, été composés dans le but de produire des effets littéraires — et, je l’espère, de procurer un certain plaisir au lecteur. Du mieux que j’ai pu, j’ai essayé de conférer à ces fragments divers, à ces bribes romanesques, cette qualité d’intensité concentrée, de fini formel, qu’un Flaubert ou un Henry James, par exemple, visaient si opiniâtrement. Mais, le talent et l’ambition nécessaire à une telle élaboration faisant défaut, en tout cas dans le cadre d’une structure à l’architecture cohérente, je ne peux proposer qu’une sorte d’accumulation sédimentaire de trouvailles, dans le foisonnement quelque peu désordonnée de laquelle je me flatte toutefois qu’on pourra cueillir à l’occasion, ici ou là, quelque amusement, quelques fulgurances, et, de temps à autre, faire l’expérience de cette émouvante contamination, qui, je crois, doit être le but premier de l’art et lui confère sa valeur.
Si Charlotte Minkowski est bel et bien un truchement narratif, sa personne figure aussi un exercice sincère et joyeux d’imagination empathique, de sympathie érotique, de projection effervescente. J’ose espérer que l’assurance et la perfection formelle qui font sans doute défaut à ces notes pseudo-autobiographiques seront au moins en partie compensés par la charge de nécessité vitale qu’elles portent.